Au bonheur des dames
Alors, que dire ? J’avais déjà présenté ce livre dans mon article sur le bingo saisonnier des tamias. Ce n’est pas une grande surprise de le trouver ici, donc. Comme je l’avais dit, je n’ai pas étudié Zola au lycée. Tout ce que j’en connaissais, c’était le dégoût de mon frère pour Germinal et les blagues littéraires sur son style. Pas grand chose donc, aucun à priori particulier. Mais il se trouve qu’un de mes amis, une loutre très peu loquace, adore Zola. C’est son auteur préféré et il a donc mis une case “Zola” dans le bingo. Vu que je n’y connaissais rien, je lui ai demandé de l’aide et c’est ce dernier qu’il m’a conseillé. Donc, même si je ne savais pas du tout dans quoi je m’engageais, j’avais confiance en lui.
Au bonheur des dames
Auteur : Emile Zola
Date de publication : 1883
Nombre de page : 544
Heures d’écoute : 15 h 41
Mon avis :
D’abord, je vais aborder un point quelque peu… double tranchant ? De fait, j’inaugure une nouvelle catégorie.
Quand je demande aux gens qui n’aiment pas Zola ce qui les repousse, la réponse qui revient le plus est son style. Zola écrit avec un point de vue omniscient poussé à l’extrême. Toutefois, cela ne me choquait pas plus que cela… Je sortais à peine de ma lecture de “Ca” de Stephen King qui a la même manie et ça ne m’avait pas dérangé. Au contraire, je trouvais que cela favorisait l’immersion dans le récit. Ceci dit, je me dois d’être honnête, cela a marché surtout car j’ai lu les deux en audio. Je sais qu’en version papier, cela n’aurait pas été la même.
Je vais tout de même détaillé un chouïa et continuer ma comparaison avec “ça”, navrée si certains trouve cela de mauvais goût >//<.
Les deux oeuvres portent une très grande attention aux détails : il y a de très longues et de très grandes description de manière régulière. Si dans “Ca”, cela sert surtout pour donner dans du rythme ou de la symbolique, dans le Bonheur des dames, cela sert un but très simple : faire vivre le magasin.
Ouais et bien parlons-en justement. C’est bien beau de présenter chaque personnage que l’on croise mais c’est assez mêlant. Comment savoir qui est important et qui ne l’est pas ? Au début de l’histoire, j’avoue que je me perdais constamment dans les noms, à essayer de me rappeler qui était qui. Les vendeuses, cela allait encore car elles avaient toute un caractère très tranché et il n’y en avait pas beaucoup. Mais les vendeurs alors… j’étais paumée en permanence. Pareil pour les clientes. Et parfois, je me demandais ce que cela apportait à l’histoire.
Voilà pourquoi je classe le style comme un élément à double tranchant.
Mais passons au points positifs, tout de même 🙂
La versio audiobook est très bien ! Je n’ai pas arrêté d’y faire mention donc autant commencer par ceci. J’ai lu la version par Evelyne Lecucq et elle était de très bonne qualité. Une petite recherche google m’a appris que c’est une comédienne, avec de l’expérience dans le drame radiophonique (ooooh), le théâtre et la marionnette, entre autre. Une personne d’expérience, en somme. Elle a une voix agréable, posée et qui instaure assez vite l’ambiance. Niveau personnage, même si j’ai déjà entendu mieux et plus marqué, elle se débrouille plutôt bien et fait bien ressortir les émotions des dialogues. Ce n’est pas un coup de coeur pour moi mais c’est quelqu’un que je réécouterais avec beaucoup de plaisir. Aussi, si vous cherchez un bon livre audio, je vous le conseille fortement.
Je crois que j’ai trop l’habitude où la nature et le village terrasse le méchant grand magasin/progrès/capitalisme grâce au pouvoir de l’amour et tout… eh bien c’est totalement l’inverse et presque montré comme positif, comme inéluctable, la preuve du progrès auquel il faut s’adapter ou mourir. Paradoxalement, on nous montre aussi tous les défauts, tout ce que cela engendre de mal par les brimades, la compétition à outrance entre vendeurs, les méchancetés, les trahisons, les licenciement à la chaîne à coup de « Monsieur, passez à la caisse » si bien qu’on en vient à penser qu’il faudrait être maso pour travailler là dedans quand tout le livre s’acharne à nous montrer qu’il n’y a aucune alternative.
C’est aussi étrange que ce grand magasin soit montré comme positif, signe de progrès quand on voit ce qu’il provoque à tous ses petits concurrents autour. C’est annoncé dès le début mais les voir tomber les uns après les autres avait quelque chose de triste, surtout avec ces cortèges d’enterrement. C’était… Wow.
Vu qu’un des objectifs du livre est de dépeindre la France de son époque, Zola essaye de retranscrire le quotidien d’une femme à l’époque et les injonctions contradictoires qu’elles reçoivent. Elles sont forcées à être « maîtresse de », « femme de » et il est insisté plusieurs fois qu’elles ne peuvent pas gagner leur vie seules, en tout cas pas à Paris. Elles doivent toujours être dépendantes de quelqu’un. Ce ne sont pas elles qui gagnent l’argent pourtant c’est à elles de le dépenser et c’est elles qui sont visés par les grands magasins. Si elles sont mariées, leur mari peut potentiellement les tromper sans qu’elles n’aient leur mot à dire mais à l’inverse, si elles ne le sont pas et enchaînent les amants, elles sont également mal-vues. Paradoxalement, chez les vendeuses, se marier signifie être renvoyé, à moins d’être haut placé. Il n’y a donc aucun moyen de gagner à ce jeu.
De plus, il y a aussi tout un commentaire sur les classes sociales, entre les bourgeoises et les nobles – peu étonnant, vu l’auteur. Et au milieu de tout cela, il y a les vendeuses qu’on décrit comme hybride car elles ont soudainement à plus de luxe que les acheteuses mais sans avoir le statut si bien que cela clashe en permanence (navrée, je n’ai pas d’autres mots).
J’espère que vous avez compris ce que j’essayais d’expliquer mais en tout cas, j’ai trouvé cette partie-là fascinante.
Pourtant, elle est bien plus solide que cela. Je n’ai pas lu les autres livres de Zola, je ne peux donc pas en attester mais il paraît qu’elle se démarquer des autres héroïnes de Zola comme Nana. Apparemment, Zola avait l’habitude des femmes dépendantes, subissant la société, là où Denise est « seule, d’une grande rigueur morale, indépendante dans son travail et sa pensée » (dixit Jurate D. Kaminskas) et j’ai trouvé cette description tellement juste que j’ai voulu la mettre.
Denise est très forte, très droite dans ses bottes. Elle a une certaine conception de la vie et ne va pas la changer pour les beaux yeux d’un homme. En fait, dès le départ, là où tout le monde lui dit de prendre amant ou mari, elle refuse. Elle a ses deux frères à charge, ses parents sont morts, elle a clairement d’autre chat à fouetter que se préoccuper de cela. Ce n’est pas un Eugène de Rastignac qui va débarquer idéaliste, se faire corrompre et finire cynique.
Certes, elle va s’en prendre plein la gueule, et pas qu’un peu. Son premier jour est catastrophique, par exemple. Elle se prend crasse sur crasse des autres, doit endurer les conditions de vies précaires, se faire une place, s’oublier afin de pouvoir subvenir à ses frères – alors que l’aîné est un petit con qui ne lui cause que des ennuis. Et le reste serait du spoil mais vous avez compris l’idée. Evidemment, elle va s’endurcir devant tout cela, apprendre à jouer avec ses règles de ce monde nouveau pour elle mais toujours en restant à fidèle à ce qu’elle est. Ce que j’ai trouvé assez satisfaisant.
Et finissons avec le négatif, comme à notre habitude. Honnêtement, je n’en ai pas noté beaucoup cette fois. Certes, il y a les points dont j’ai parlé plus haut : on se perd un peu trop dans les personnages, parfois on ne sait pas si ce qu’on lit a une importance pour le récit et puis ma frustration pour cette belle inconnue !
Toutefois, il y a deux autre points sur lesquels j’aimerais revenir :
Vous le savez, mes critiques sont spoiler-free donc je ne vais pas détailler sur ce qui ce se passe mais… Bordel. C’est quoi cette fin ?
Je ne saurais même pas par quoi commencer. Déjà, il y a une péripétie (?) importante qui arrive, en ayant été très peu préparée et sonne comme un cheveux sur un soupe mais en plus, elle n’a aucune incidence. On ne sait pas ce qui se passe après pour cette dame et on aurait pu l’enlever que cela n’aurait rien changé.
Et puis il y a ces dernières lignes qui paraissent tellement précipités et peu réalistes – ne serait-ce qu’avec les zigottos en bas qui applaudissent à la déclaration. Je… Nan, vraiment, je ne comprends pas.
Hum… En fait, c’est un peu compliqué à développer si bien que je n’ai plus rien à dire ?
Si vous aimez déjà Zola… Eh bien, je suppose que vous l’avez déjà lu.
Si vous n’aimez pas du tout ce style, essayez la version audio, au cas où.
Et si vous êtes un lapin, cela ne vous plaira surement pas mais j’espère que mon article aura tout de même été intéressant.